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(93) Affaire Théo Luhaka : sept ans après, trois policiers jugés à la cour d'assises de Seine-Saint-Denis

(93) Affaire Théo Luhaka : sept ans après, trois policiers jugés à la cour d'assises de Seine-Saint-Denis
Publié le 10/01/2024 à 14:58

Lors du procès qui s'est ouvert ce mardi 9 janvier, Marc-Antoine Castelain, principal mis en cause, et ses deux collègues comparaissent devant les assises, sept ans après l'interpellation violente de Théo Luhaka, grièvement blessé après un coup de matraque.

« Je n’ai jamais eu la volonté de provoquer cette blessure désolante. D’ailleurs, mes collègues et moi n’avons eu connaissance et conscience de cette blessure que plus tard au commissariat », tels sont les mots de Marc-Antoine Castelain dans un témoignage recueilli par RMC, alors que s’ouvrait hier, et jusqu’au 19 janvier, le procès devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis à Bobigny de ce représentant des forces de l'ordre et de ses deux collègues.

Il a en effet fallu sept longues années pour que la très médiatisée « affaire Théo », devenue le symbole des violences policières, soit finalement portée devant les tribunaux. Lors de son interpellation à Aulnay-sous-Bois le 2 février 2017 aux alentours de 17h, à l’occasion d'un banal contrôle d'identité dans la cité des 3 000, Théodore Luhaka, 22 ans, avait subi de graves blessures à l'anus à la suite d'un coup matraque télescopique.

Une interpellation qui tourne au drame

Une scène de huit minutes captée par les caméras de surveillance de la ville, vite partagée sur les réseaux sociaux, où elle avait, à l’époque, provoqué l’émoi.

Sur les images, quatre hommes en uniforme interviennent auprès d'un groupe de jeunes. Rapidement, les policiers  - qui ne sont plus que trois - se concentrent sur une seule personne, qui s’avérera être Théo Luhaka, tandis que les autres membres du groupe prennent la fuite. Aux prises avec les agents, le jeune homme se débat, perdant sa veste et chutant au sol sous les coups et les effets du gaz lacrymogène. Les policiers qui peinent à le maîtriser le bloquent contre un muret pour le menotter. C'est à ce moment que l’un des agents, situé derrière le jeune homme, lui inflige un coup avec la pointe de sa matraque télescopique au niveau des fesses. À la suite de ce coup, on peut voir le jeune homme s'effondrer. Les images suivantes le montrent toujours au sol, recevant d’autres coups.

Interpellé et emmené au commissariat pour être placé en garde à vue, Théo Luhaka, qui présentait un important saignement au niveau de la zone rectale, avait finalement été transporté à l’hôpital où il avait subi une intervention chirurgicale en urgence. Depuis son lit d'hôpital, la victime avait indiqué que les représentants des forces de l’ordre avaient continué à la maltraiter dans la voiture de police, en la frappant et en lui adressant des propos insultants. L’un d’entre eux aurait notamment proféré la phrase suivante : « espèce de salope, Bamboula, t'as voulu faire le malin, regarde maintenant comment tu es », révélait Le Parisien.

Trois jours après l'interpellation de Théo Luhaka, et après avoir été placés en garde à vue depuis le soir-même dans les locaux de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), les policiers avaient été mis en examen et sous contrôle judiciaire. Victime d'une rupture de son sphincter anal, Théo Luhaka, aujourd’hui âgé de 28 ans, garderait des séquelles irréversibles.

Jusqu’à 15 ans d’emprisonnement pour Marc-Antoine Castelain

Les accusations portent sur différents motifs pour les accusés. Marc-Antoine Castelain, âgé de 34 ans, est poursuivi pour « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente » sur la victime, avec des circonstances aggravantes liées à sa qualité de personne dépositaire de l'autorité publique, avec usage d'une arme et en réunion. Il risque jusqu’à 15 ans de prison et une amende de 150 000 euros. Initialement mis en examen pour viol, cette qualification avait été écartée lors de l'instruction pour défaut d'éléments suffisamment caractérisés.

Quant aux deux autres accusés, Jérémie Dulin, 42 ans, et Tony Hochart, 31 ans, ils font face à des poursuites pour « violences volontaires avec circonstances aggravantes ». Ils risquent jusqu'à sept ans d'emprisonnement.

« J’ai porté un coup légitime »

Durant son audience hier, si Marc-Antoine Castelain s’est défendu d’avoir proféré des injures et des propos racistes, et a indiqué vivre « un cauchemar » depuis les faits, il a toutefois exprimé ses regrets quant à son geste, comme le rapporte TF1 : « Bien sûr, la blessure est désolante. J'en ai conscience. C'est une blessure grave, et si vous me le permettez, Mme la Présidente, je souhaiterais adresser ma profonde compassion à l'égard de cette blessure de M. Luhaka ».

Alors que le procès devra déterminer  si le geste porté par Marc-Antoine Castelain avec sa matraque télescopique était légitime, l’homme s’est défendu d’être « un criminel » et a expliqué son geste : « Oui, je suis intervenu pour dégager mon collègue. Situation très délicate dans le cadre d'une interpellation très difficile face à un individu qui se rebellait. Nous ne sommes jamais parvenus à le maîtriser. J'ai porté un coup, enseigné en école, légitime et réglementaire, à l'origine de ses blessures. Je voulais réellement défendre mon collègue dans cette situation exceptionnelle, avec quelqu'un d'assez costaud au sol ».

La victime, elle, n’a pas encore pu prendre la parole pour donner sa version des faits.

Romain Tardino

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