Lors
du procès qui s'est ouvert ce mardi 9 janvier, Marc-Antoine Castelain, principal
mis en cause, et ses deux collègues comparaissent devant les assises, sept ans
après l'interpellation violente de Théo Luhaka, grièvement blessé après un coup
de matraque.
« Je n’ai jamais eu la volonté de provoquer cette
blessure désolante. D’ailleurs, mes collègues et moi n’avons eu connaissance et
conscience de cette blessure que plus tard au commissariat », tels sont les
mots de Marc-Antoine Castelain dans un témoignage
recueilli par RMC, alors que s’ouvrait hier, et jusqu’au 19 janvier, le
procès devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis à Bobigny de ce
représentant des forces de l'ordre et de ses deux collègues.
Il a en effet fallu sept longues années pour que la
très médiatisée « affaire Théo », devenue le symbole des
violences policières, soit finalement portée devant les tribunaux. Lors de son interpellation
à Aulnay-sous-Bois le 2 février 2017 aux alentours de 17h, à l’occasion d'un
banal contrôle d'identité dans la cité des 3 000, Théodore Luhaka, 22 ans, avait
subi de graves blessures à l'anus à la suite d'un coup matraque télescopique.
Une interpellation qui tourne au drame
Une scène de huit minutes captée par les caméras de
surveillance de la ville, vite partagée sur les réseaux sociaux, où elle avait,
à l’époque, provoqué l’émoi.
Sur les images, quatre hommes en uniforme interviennent
auprès d'un groupe de jeunes. Rapidement, les policiers - qui ne sont plus que trois - se concentrent
sur une seule personne, qui s’avérera être Théo Luhaka, tandis que les autres membres du groupe
prennent la fuite. Aux prises avec les agents, le jeune homme
se débat, perdant sa veste et chutant au sol sous les coups et les effets du
gaz lacrymogène. Les policiers qui peinent à le maîtriser le bloquent contre un
muret pour le menotter. C'est à ce moment que l’un des agents, situé derrière le
jeune homme, lui inflige un coup avec la pointe de sa matraque télescopique au
niveau des fesses. À la suite de ce coup, on peut voir le jeune homme
s'effondrer. Les images suivantes le montrent toujours au sol, recevant d’autres
coups.
Interpellé et emmené au commissariat pour être placé
en garde à vue, Théo Luhaka, qui présentait un important saignement au niveau de
la zone rectale, avait finalement été transporté à l’hôpital où il avait subi
une intervention chirurgicale en urgence. Depuis son lit d'hôpital, la victime avait
indiqué que les représentants des forces de l’ordre avaient continué à la
maltraiter dans la voiture de police, en la frappant et en lui adressant des
propos insultants. L’un d’entre eux aurait notamment proféré la phrase suivante :
« espèce de salope, Bamboula, t'as voulu faire le malin, regarde
maintenant comment tu es », révélait Le Parisien.
Trois jours après l'interpellation de Théo Luhaka, et
après avoir été placés en garde à vue depuis le soir-même dans les locaux de
l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), les policiers avaient été
mis en examen et sous contrôle judiciaire. Victime d'une rupture de son
sphincter anal, Théo Luhaka, aujourd’hui âgé de 28 ans, garderait des séquelles
irréversibles.
Jusqu’à 15 ans d’emprisonnement pour Marc-Antoine
Castelain
Les accusations portent sur différents motifs pour les
accusés. Marc-Antoine Castelain, âgé de 34 ans, est poursuivi pour « violences
volontaires ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente »
sur la victime, avec des circonstances aggravantes liées à sa qualité de
personne dépositaire de l'autorité publique, avec usage d'une arme et en
réunion. Il risque jusqu’à 15 ans de prison et une amende de 150 000
euros. Initialement mis en examen pour viol, cette qualification avait été
écartée lors de l'instruction pour défaut d'éléments suffisamment caractérisés.
Quant aux deux autres accusés, Jérémie Dulin, 42 ans,
et Tony Hochart, 31 ans, ils font face à des poursuites pour « violences
volontaires avec circonstances aggravantes ». Ils risquent jusqu'à
sept ans d'emprisonnement.
« J’ai
porté un coup légitime »
Durant son audience hier, si Marc-Antoine Castelain s’est
défendu d’avoir proféré des injures et des propos racistes, et a indiqué vivre « un
cauchemar » depuis les faits, il a toutefois exprimé ses regrets quant
à son geste, comme le rapporte TF1 : « Bien sûr, la blessure est
désolante. J'en ai conscience. C'est une blessure grave, et si vous me le
permettez, Mme la Présidente, je souhaiterais adresser ma profonde compassion à
l'égard de cette blessure de M. Luhaka ».
Alors que le procès devra déterminer si le geste porté par Marc-Antoine Castelain avec sa
matraque télescopique était légitime, l’homme s’est défendu d’être « un
criminel » et a expliqué son geste : « Oui, je suis
intervenu pour dégager mon collègue. Situation très délicate dans le cadre
d'une interpellation très difficile face à un individu qui se rebellait. Nous
ne sommes jamais parvenus à le maîtriser. J'ai porté un coup, enseigné en
école, légitime et réglementaire, à l'origine de ses blessures. Je voulais
réellement défendre mon collègue dans cette situation exceptionnelle, avec
quelqu'un d'assez costaud au sol ».
La victime, elle, n’a pas encore pu prendre la parole
pour donner sa version des faits.
Romain Tardino