La
Cour d'assises de Seine-Saint-Denis a rendu son verdict, ce vendredi 19 janvier,
et a condamné les trois représentants des forces de l’ordre pour avoir blessé
le jeune homme lors d’une intervention remontant à 2017. Si l’utilisation faite
du bâton télescopique à l’origine de la blessure a été considérée comme un
geste violent non justifié, « l’infirmité permanente » n’a pas
été retenue.
Sept
années se sont écoulées depuis
l'interpellation brutale de Théodore Luhaka dans la cité des 3000 à
Aulnay-sous-Bois en février 2017. Le verdict est finalement tombé ce vendredi
19 janvier 2024 vers 19h15, condamnant les policiers responsables de cette
intervention qui a laissé la victime grièvement blessée à l'anus.
Marc-Antoine
Castelain, principal mis en cause, risquait jusqu’à 15 ans de prison et une
amende de 150 000 euros pour avoir asséné le coup de matraque ayant grièvement
blessé le jeune homme alors âgé de 22 ans. Il était poursuivi pour des
violences volontaires ayant entraîné « une mutilation ou infirmité
permanente » sur la victime, avec circonstances aggravantes (personne
dépositaire de l'autorité publique, avec arme et en réunion), une qualification
qui n’a pas été retenue par la cour.
Pas
« d’infirmité permanente » pour la cour
L’homme
de 34 ans a finalement été déclaré coupable de violences volontaires ayant
entraîné une ITT de 60 jours, selon le journal L’Humanité, soit un délit
et non plus un crime. En
effet, dans le cadre des violences volontaires, « les circonstances
aggravantes ainsi que l’ITT de la victime déterminent la qualification
correctionnelle ou criminelle de l’infraction » et « le délit
de violences volontaires bascule donc vers une qualification criminelle dès
lors que ces violences ont entrainées une infirmité permanente ».
En
l’espèce, la cour d’assises a estimé que Théodore Luhaka ne souffrait pas d’« infirmité
permanente » malgré les graves séquelles de son handicap, ses « lésions
organiques » n’entraînant pas une « privation irrémédiable » de
l’usage de son organe. Ce, bien que des experts médicaux, au cours des débats,
avaient souligné l'irréparabilité du sphincter, admettant toutefois qu'il était
« possible d’avoir des améliorations, mais avec très peu de chance »,
comme le relaie le BondyBlog.
Néanmoins,
l’utilisation qui a été faite de la matraque a bien été considérée comme un geste
violent non justifié, car si « l’utilisation
du bâton télescopique de défense (…) était nécessaire et légitime, [Théo
Luhaka] s’opposant de toutes ses forces à son interpellation », d’après l’exposé
des motivations auquel a eu accès Le Monde, et que le coup a été jugé «
conforme aux techniques enseignées à l’école de police », il a été porté « alors
que Théodore Luhaka se trouvait dans une position exempte de danger pour les
fonctionnaires de police ».
Marc-Antoine
Castelain a donc été condamné à 12 mois de prison avec sursis accompagnés d’une
interdiction d'exercer sur la voie publique pendant cinq ans, et d’une
d'interdiction de porter une arme pendant cinq ans. Ses deux collègues, Jérémie
Dulin et Tony Hochart, ont quant à eux écopé de trois mois de prison avec
sursis ainsi que de deux ans d’interdiction d’exercice sur la voie publique et
de port d’arme. Tous deux étaient poursuivis pour violence volontaire et
risquaient jusqu’à sept ans d'emprisonnement.
Un
verdict qui « rétabli[t] la vérité »
Théodore
Luhaka exprimait à la barre, lors du procès, son ressenti : « La
réalité de la vie, c'est que je suis mort, le 2 février 2017. Je suis vraiment
mort, ce n'est pas une image », rapportait franceinfo.
Après
la condamnation des policiers, il a réagi sur
BFMTV, dont
il était l’invité, en affirmant : « Ce verdict, c'est la
fin d'un très long cauchemar », avant d’ajouter : « Je suis
content d'avoir rétabli la vérité et je suis très content que ça ait été
entendu et qu'ils aient été punis. Ce qui m'importait le plus c'était de
montrer au monde que j'ai été victime. »
« Qu'ils
prennent 50 ans de prison ou non, je suis handicapé à vie. Ma vie est déjà
foutue, ce n’est pas ça qui va vraiment me soulager », a toutefois regretté la
victime.
Plusieurs
médias ont d’ailleurs mis en lumière la clémence des condamnations, et la députée LFI Mathilde Panot, également présente au tribunal
judiciaire de Bobigny, comme le rapporte l’Humanité, a pointé un verdict
injuste, estimant que souvent, des individus sont condamnés à de la prison
ferme pour des faits moins graves, tels que les jets de canettes lors des
émeutes de juin 2023.
Toutefois,
l'avocat de Théo qualifie cette décision de « moment d'apaisement »
qu’il voit « comme une victoire ». De son côté, celui de Marc-Antoine Castelain a fait part de son « immense soulagement »,
laissant sous-entendre que son client a évité le pire, passant à côté de la
qualification criminelle.
Romain Tardino