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(93) Affaire Théo : les trois policiers condamnés à des peines allant de trois mois à un an de prison avec sursis

(93) Affaire Théo : les trois policiers condamnés à des peines allant de trois mois à un an de prison avec sursis
Publié le 20/01/2024 à 11:57

La Cour d'assises de Seine-Saint-Denis a rendu son verdict, ce vendredi 19 janvier, et a condamné les trois représentants des forces de l’ordre pour avoir blessé le jeune homme lors d’une intervention remontant à 2017. Si l’utilisation faite du bâton télescopique à l’origine de la blessure a été considérée comme un geste violent non justifié, « l’infirmité permanente » n’a pas été retenue.

Sept années se sont écoulées depuis l'interpellation brutale de Théodore Luhaka dans la cité des 3000 à Aulnay-sous-Bois en février 2017. Le verdict est finalement tombé ce vendredi 19 janvier 2024 vers 19h15, condamnant les policiers responsables de cette intervention qui a laissé la victime grièvement blessée à l'anus.

Marc-Antoine Castelain, principal mis en cause, risquait jusqu’à 15 ans de prison et une amende de 150 000 euros pour avoir asséné le coup de matraque ayant grièvement blessé le jeune homme alors âgé de 22 ans. Il était poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné « une mutilation ou infirmité permanente » sur la victime, avec circonstances aggravantes (personne dépositaire de l'autorité publique, avec arme et en réunion), une qualification qui n’a pas été retenue par la cour.

Pas « d’infirmité permanente » pour la cour

L’homme de 34 ans a finalement été déclaré coupable de violences volontaires ayant entraîné une ITT de 60 jours, selon le journal L’Humanité, soit un délit et non plus un crime. En effet, dans le cadre des violences volontaires, « les circonstances aggravantes ainsi que l’ITT de la victime déterminent la qualification correctionnelle ou criminelle de l’infraction » et « le délit de violences volontaires bascule donc vers une qualification criminelle dès lors que ces violences ont entrainées une infirmité permanente ».

En l’espèce, la cour d’assises a estimé que Théodore Luhaka ne souffrait pas d’« infirmité permanente » malgré les graves séquelles de son handicap, ses « lésions organiques » n’entraînant pas une « privation irrémédiable » de l’usage de son organe. Ce, bien que des experts médicaux, au cours des débats, avaient souligné l'irréparabilité du sphincter, admettant toutefois qu'il était « possible d’avoir des améliorations, mais avec très peu de chance », comme le relaie le BondyBlog.

Néanmoins, l’utilisation qui a été faite de la matraque a bien été considérée comme un geste violent non justifié, car si « l’utilisation du bâton télescopique de défense (…) était nécessaire et légitime, [Théo Luhaka] s’opposant de toutes ses forces à son interpellation », d’après l’exposé des motivations auquel a eu accès Le Monde, et que le coup a été jugé « conforme aux techniques enseignées à l’école de police », il a été porté « alors que Théodore Luhaka se trouvait dans une position exempte de danger pour les fonctionnaires de police ».

Marc-Antoine Castelain a donc été condamné à 12 mois de prison avec sursis accompagnés d’une interdiction d'exercer sur la voie publique pendant cinq ans, et d’une d'interdiction de porter une arme pendant cinq ans. Ses deux collègues, Jérémie Dulin et Tony Hochart, ont quant à eux écopé de trois mois de prison avec sursis ainsi que de deux ans d’interdiction d’exercice sur la voie publique et de port d’arme. Tous deux étaient poursuivis pour violence volontaire et risquaient jusqu’à sept ans d'emprisonnement.

Un verdict qui « rétabli[t] la vérité » 

Théodore Luhaka exprimait à la barre, lors du procès, son ressenti : « La réalité de la vie, c'est que je suis mort, le 2 février 2017. Je suis vraiment mort, ce n'est pas une image », rapportait franceinfo

Après la condamnation des policiers, il a réagi sur BFMTV, dont il était l’invité, en affirmant : « Ce verdict, c'est la fin d'un très long cauchemar », avant d’ajouter : « Je suis content d'avoir rétabli la vérité et je suis très content que ça ait été entendu et qu'ils aient été punis. Ce qui m'importait le plus c'était de montrer au monde que j'ai été victime. » 

« Qu'ils prennent 50 ans de prison ou non, je suis handicapé à vie. Ma vie est déjà foutue, ce n’est pas ça qui va vraiment me soulager », a toutefois regretté la victime. 

Plusieurs médias ont d’ailleurs mis en lumière la clémence des condamnations, et la députée LFI Mathilde Panot, également présente au tribunal judiciaire de Bobigny, comme le rapporte l’Humanité, a pointé un verdict injuste, estimant que souvent, des individus sont condamnés à de la prison ferme pour des faits moins graves, tels que les jets de canettes lors des émeutes de juin 2023.

Toutefois, l'avocat de Théo qualifie cette décision de « moment d'apaisement » qu’il voit « comme une victoire ». De son côté, celui de Marc-Antoine Castelain a fait part de son « immense soulagement », laissant sous-entendre que son client a évité le pire, passant à côté de la qualification criminelle.

Romain Tardino

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