La
juridiction a enjoint le ministère de l'Intérieur de déplacer le local servant pour
les consultations avec les avocats, lesquelles se déroulent dans les toilettes du
bâtiment depuis cet été, et demandé une amélioration des conditions de
détention.
À
la suite d’un référé « mesures utiles » déposé le 6 décembre par des
avocats du barreau de Seine-Saint-Denis devant le tribunal administratif de
Montreuil, la juridiction a rendu une ordonnance, mercredi 13
décembre, allant dans le sens des demandes formulées par la profession.
Dans
sa décision, elle demande notamment au ministère de l’Intérieur de « déplacer
le local ‘entretien avocat’ (…) dans un délai de trois mois » sous peine de
250 euros d’amende par jour de retard, comme le rapporte le Bondy Blog, qui a
pu avoir accès au texte rendu.
Les
services de l’Etat sommés de rénover des cellules « insalubres »
Depuis
cet été, les avocats étaient en effet contraints de
rencontrer les gardés à vue dans les toilettes du commissariat. Des problèmes qui trouvent
leur origine dans les émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel, la pièce
habituellement utilisée pour ces entretiens ayant été réquisitionnée par les
renforts des forces de l’ordre.
Le
tribunal administratif de Montreuil a donc réclamé mercredi des améliorations
significatives des conditions de garde-à-vue. Plus que cela, il exige du
ministère de l’Intérieur qu’il fasse rénover les cellules du commissariat de
Bondy « insalubres » et vieillissantes. Il ordonne en outre l'installation
de toilettes correctement aérées et chauffées pour garantir l'hygiène des
espaces, révèle Franceinfo, mais aussi le nettoyage quotidien des
cellules et l’installation de sonnettes pour que les gardés à vue puissent
accéder aux toilettes et à un point d’eau quand ils le souhaitent, évoque de son
côté le Bondy Blog.
Depuis juillet
2023, les avocats reçoivent leurs clients dans les toilettes du commissariat de
Bondy © Capture d'écran du rapport du bâtonnier de Seine-Saint-Denis
L’ordonnance
demande par ailleurs aux autorités de distribuer les kits d'hygiène disponibles
dans tous les commissariats de France, conformément à ce qui avait été réclamé
par les avocats. En effet, les kits d'hygiène normalement obligatoires pour les
personnes en garde à vue, et comprenant des lingettes, du dentifrice, et des
serviettes hygiéniques pour les femmes, ne sont pas systématiquement
distribués, ou périmés. Affirmant que « l’insuffisance notoire de la distribution de ces
éléments de base est attentatoire au respect de la dignité des personnes et ne
permet pas que les gardes à vue se déroulent dans des conditions matérielles
conformes aux exigences de l’État de droit », toujours d’après le Bondy Blog, la juridiction
laisse un mois aux services de l’Etat « sous astreinte de 100 euros par jour
de retard » pour distribuer ces kits.
Des manquements déjà identifiés en
2013
« L'accueil des plaignants Bondynois,
les rendez-vous avec les avocats, les conditions de travail des officiers de
police judiciaire... rien ne se déroule correctement dans ce commissariat, il
est urgent de s'en occuper impérativement », a de son côté confirmé
le maire de Bondy, Stephen Hervé, auprès de Franceinfo. L’édile soulignait
également que le commissariat couvre deux communes, Bondy et les Pavillons-sous-Bois,
comptant près de 80 000 habitants au total, une charge bien trop importante
pour un seul établissement.
La situation actuelle reflète des
problèmes persistants observés depuis longtemps et qui remontent plus
précisément à 2013, date à laquelle un rapport du contrôleur général des lieux
de privation de liberté mettait déjà en lumière les conditions d'accueil
difficiles du commissariat, et des manquements inquiétants. À l’époque, le
rapport en question mentionnait qu'aucun matelas ni couverture propre n'était
disponible pour les personnes interpellées, que les relevés de température
indiquaient environ 15 degrés, et que les cellules étaient signalées comme
particulièrement sales, sans démarche pour garantir un minimum d'hygiène aux
gardés à vue.
Le cas Bondy, un précédent ?
Toutefois, la préfecture de police
de Paris a indiqué que des travaux seraient effectués début 2024 dans le
commissariat, pour un montant estimé à près de 200 000 euros.
Selon l'avocat
Arnaud Dilloard, cité par Franceinfo, cette affaire pourrait marquer le
début d'une prise de conscience plus large : « D'autres commissariats
du département vont suivre, Bondy est loin d'être le seul commissariat du 93 à
accueillir des gardés à vue dans des conditions indignes. »
Romain Tardino