ÉCONOMIE

Bruno Le Maire et Olivia Grégoire défendent en commission leur projet de loi sur la simplification de la vie économique

Bruno Le Maire et Olivia Grégoire défendent en commission leur projet de loi sur la simplification de la vie économique
Publié le 15/05/2024 à 13:25
Examiné au Sénat, le texte du ministre de l’Économie et de la ministre déléguée chargée des Entreprises vise une moindre charge administrative des entreprises, plus de confiance dans les relations avec l’administration, moins de normes et un appui aux projets industriels. Parmi les points d’achoppement avec les sénateurs, la simplification du bulletin de paye et la réduction de normes environnementales.

« La simplification est une exception, elle doit devenir la règle », affirmait hier le ministre de l’Économie Bruno Le Maire devant la commission sénatoriale en charge du projet de loi sur la simplification de la vie économique, associée pour l’occasion à la délégation sénatoriale aux entreprises. Déposé le 24 avril dernier au Sénat, le texte sera discuté en séance publique à partir du 3 juin prochain. Il affiche quatre principes au long de ses 12 titres et 28 articles : diminuer les démarches administratives des entreprises, remettre de la confiance entre entreprises et administration, réduire la norme, faciliter les projets industriels.

« Nous ne pouvons que nous réjouir que le texte s’appuie sur les travaux de sénateurs et sénatrices, a salué en ouverture le président de la commission Rémy Pointereau (LR). Nous sommes particulièrement sensibles à la question de l’empilement des normes et à la nécessité de distinguer la norme qui protège de celle qui entrave. » Néanmoins, le recours à des ordonnances sur plusieurs sujets centraux et l’absence de mesures pour les agriculteurs (sujet traité par le projet de loi d’orientation en matière agricole) ont suscité des réserves. « Il manque une approche structurelle », a aussi regretté le président de la délégation aux entreprises Olivier Rietmann (LR).

Alléger les obligations administratives

Le projet de loi fixe comme principes « la suppression d'obligations de déclarations, la déclaration plutôt que l'autorisation, un silence qui vaut accord plutôt qu'un silence qui vaut refus » (titres II et IV du projet de loi). Cela se traduit par la suppression, par ordonnance, des 1 800 formulaires Cerfa et de milliers d’autres démarches administratives, dont certaines déclarations redondantes (article 2). Ainsi, les chefs d’entreprise n’auront plus à envoyer d’attestation d’arrêt de travail ni d’attestation chômage, et le seuil d’obligation de déclaration Das2 (honoraires versés à des tiers) sera doublé, de 1 200 à 2 400 euros.

La mesure phare, la simplification du bulletin de paye (article 7), est une de celles qui suscitent le plus de critiques. Le bulletin de salaire devrait, d’ici 2027, passer de 55 lignes (chiffre supérieur à la réalité selon la sénatrice LR Pascale Gruny) à une quinzaine. Bruno Le Maire veut que « le salarié voie ce que paye l’entrepreneur, ce qu’il paye comme cotisations et ce qu’il paye comme impôts, plutôt que de se retrouver noyé dans une somme d’informations dans laquelle il ne se retrouve pas ».

Même s’il assure que l’objectif est que les employeurs aient moins d’informations à saisir, certains sénateurs expliquent qu’ils devront de toute façon conserver les éléments supprimés du bulletin et y voient une simplification de façade. La sénatrice Raymonde Poncet Monge (Ecologiste Solidarités et Territoires) y voit une posture « idéologique », car avec ce système les salariés ne verront plus comment les prélèvements effectués sur leurs salaires financent le modèle social. Ils devront aller le voir sur une « banque de données sociales » alimentée par l’administration.

L’article 6 prévoit de diminuer de deux à un mois le délai d’information aux salariés lors de la vente d’une entreprise, établi pour leur permettre de racheter l’entreprise, par exemple sous forme de coopérative. La rapporteure Catherine Di Folco (LR) souhaiterait le supprimer, puisque très peu de salariés rachètent leur entreprise.

Faciliter la commande publique et la vie des TPE

Le titre III entend simplifier la commande publique, en proposant une plateforme commune et un profil unique d’acheteur, que l’appel d’offre émane de l’État, des organismes de sécurité sociale, de l’hôpital public ou d’un opérateur public comme une université.  Le ministre de l’Économie a invité les collectivités territoriales à rejoindre ce système. Le but est aussi l’unification des avances de trésorerie (30% pour tous) et de la gestion des contentieux sur la commande publique par le seul juge administratif.

Les TPE (très petites entreprises) verront également certains droits alignés sur ceux des particuliers (titre VI) : gratuité de la clôture d’un compte bancaire, possibilité de résilier à tout moment une assurance, délais d’indemnisation inscrits dans la loi. Si le président de la commission juge certaines mesures trop sectorielles, la ministre déléguée chargée des Entreprises, du tourisme et de la consommation Olivia Grégoire y voit « un enjeu de justice économique » pour protéger les petites entreprises « plus vulnérables ». Le texte vise aussi à faciliter l’installation de commerces et à fluidifier les relations entre bailleurs et commerçants (titre X), avec un paiement mensuel des loyers et une limitation à trois mois du dépôt de garantie.

Mettre la confiance au cœur de la relation entre administration et entreprise

Le deuxième grand principe du texte est de mettre la confiance au cœur des relations entre administration et entreprises. L’idée est ainsi d’accompagner plutôt que sanctionner. Le projet prévoit de supprimer la peine d’emprisonnement en cas de manquement à certaines déclarations (article 10). « Nous ne devons pas faire de chaque chef d’entreprise un fraudeur en puissance parce qu’il a mal rempli telle déclaration », estime Bruno Le Maire.

Le texte veut aussi étendre les « rescrits », ces réponses de l’administration sur l’interprétation d’une situation ou d’une règle fiscale, à d’autres domaines que la fiscalité. L’objectif est aussi de constituer un recueil consultable qui fasse jurisprudence.

Le gouvernement veut évaluer l’efficacité des normes vis-à-vis des entreprises (article 27), et les sénateurs souhaitent y intégrer la proposition de loi « Test PME ». Elle prévoit l’instauration d’un conseil composé de chefs d’entreprises et d’un secrétariat interministériel, qui aura pour objectif d’évaluer l’impact de nouvelles réglementations sur la vie des entreprises.

Rationaliser la norme

Le troisième objectif du texte est de « rationaliser la norme », c’est-à-dire diminuer le volume des textes réglementaires. Bruno Le Maire souhaite un rendez-vous annuel pour poursuivre ce but. Le projet de loi (article 11), prévoit la possibilité de réformer par ordonnances le droit des contrats spéciaux (vente, échange, louage d’ouvrage, bail, prêt, dépôt, séquestre, contrats aléatoires, mandat) afin d’en réduire la masse.

Le premier titre vise la suppression de cinq commissions administratives consultatives. Dans son collimateur, la Commission supérieure du numérique et des postes dont la suppression suscite le désaccord du rapporteur Yves Bleunven (Union centriste), au prétexte que c’est un organe de contrôle parlementaire. Bruno Le Maire ne compte a priori pas en faire un cheval de bataille : il affirme s’en remettre à « la sagesse du Parlement » en la matière.

Faciliter les projets industriels

Un dernier objectif du texte présenté au Sénat est de faciliter les projets industriels et d’infrastructures, notamment afférant à la transition écologique et numérique (titres VII à IX). Il prévoit de faciliter l’installation de data centers, d’antennes de téléphonie mobile, d’installations d’énergie renouvelable et d’accélérer l’attribution des permis de recherche des mines et de géothermie.

La compensation de la perte de biodiversité lors de l’implantation de structures industrielles devrait être assouplie. Actuellement, pour être validé, un projet industriel doit déjà comporter un plan de compensation avec le terrain nécessaire disponible. Le projet de loi permet de le finaliser après le début des travaux.

Mais plusieurs sénateurs s’inquiètent des répercussions écologiques. Le ministre de l’Économie assume : « Il vaut mieux produire en France avec une énergie décarbonée, plutôt que de continuer d’importer ces produits réalisés dans d’autres pays où le coût climatique est infiniment plus élevé. »

Aude David

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