Intervenant sur le stand des
notaires au Salon de l’agriculture, le notaire François Gouret a pu répondre
aux questions que se posaient les propriétaires de terres. La vente des petites
parcelles est soumise à plusieurs législations contraignantes pour le vendeur.
La vente des petites
parcelles boisées, un sujet plein de questions pour leurs propriétaires. Le
notaire François Gouret, exerçant dans le Maine-et-Loire, a proposé mercredi 28
février sur le stand des notaires au Salon de l’agriculture une série de
questions-réponses à ce sujet, « qui ressort quotidiennement dans nos
études rurales », explique François Gouret.
Les ventes de parcelles
boisées de moins de 4 hectares sont très fréquentes, assure le notaire, qui
constate « un morcellement des bois et forêts important en France ».
Pour exemple, en août 2022, un incendie de forêt dans son département a ravagé
1 400 hectares de bois, « mais sur cette surface, il y avait plus
de 1 000 propriétaires différents ». La plupart d’entre eux
détenaient moins de 50 ares, et certains n’étaient même pas au courant qu’ils
possédaient des terres à cet endroit. « Ce sont des parcelles qu’ils
recueillent par succession, de leurs parents et grands-parents, et aujourd’hui
les personnes se désintéressent de ces petits massifs », illustre le
notaire.
Pour lutter contre le
morcellement des terres et permettre une meilleure gestion des bois, la loi a
institué il y a une dizaine d’années un droit de préférence de ces parcelles au
profit des propriétaires voisins, qui oblige le vendeur à privilégier les
offres d’achat des détenteurs de terrains autour de la parcelle vendue.
Le droit de préférence ne
s’applique que pour les surfaces inférieures à 4 hectares. Si une parcelle est
mixte, c’est-à-dire n’étant qu’en partie boisée, ce droit de préférence doit
être invoqué si plus de 50 % de la parcelle est boisée.
Mais il existe des exceptions
au droit de préférence. « Lorsqu’une vente est réalisée au profit d’un
membre de la famille, le droit n’a pas à être notifié aux voisins »,
explique François Gouret. Lorsque la vente est réalisée au profit d’un
propriétaire voisin de la parcelle vendue, les autres voisins n’ont pas non
plus à être informés.
Un risque de nullité en cas de
non-respect
Pour informer les voisins de
la vente à venir, la principale méthode consiste à les notifier par une lettre recommandée
les informant des conditions de la vente. « Mais il arrive parfois que
nous ayons plus de dix parcelles autour, avec des multitudes d’indivisions »,
témoigne le notaire. Pour ne pas avoir à contacter séparément chacun des
propriétaires, ce qui peut être fastidieux et coûteux, il est notamment possible
de procéder à un affichage en mairie, accompagnée d’une publication dans un
journal d’annonce légales. Les futurs acquéreurs ont deux mois pour se
manifester. Passé ce délai, le propriétaire pourra vendre à toute personne qui
souhaite acheter.
En cas de non-respect du
droit de préférence, la nullité de l’acte peut alors être revendiquée par un candidat
à l’achat.
Mais cette loi peut perturber
les propriétaires. « Tous les jours, des propriétaires souhaitent
vendre leur bois, trouvent un acquéreur, et ne comprennent pas quand on leur
explique qu’ils ne peuvent pas choisir l’acquéreur, illustre François
Gouret. Nous avons un rôle de pédagogie pour expliquer comment mettre en
application cette loi. »
Des droits cumulés qui
allongent les délais
Une loi d’autant plus
complexe qu’il en existe d’autres s’additionnant à celle-ci, comme le droit de
préemption, que peuvent utiliser les Sociétés d’aménagement foncier et
d’établissement rural (Safer) ou les communes. « Il donne le droit pour
l’État d’acquérir toute parcelle de bois avant les voisins à condition qu’une
forêt domaniale jouxte la parcelle vendue », détaille le notaire du
Maine-et-Loire. Une notification doit dans ce cas être adressée à la commune.
Pour les espaces naturels
sensibles, qui le sont notamment en raison d’une faune ou d’une flore menacée,
c’est le département qui peut préempter le terrain.
« Parfois, on a des
droits de préférence et de préemption qui se superposent », pointe le
notaire. La mairie, détenant automatiquement un droit de préemption, peut en
effet également être déjà propriétaire d’une parcelle voisine lui donnant un
droit de préférence. Dans ce cas, le professionnel du droit doit articuler ces
règlementations.
Ces superpositions de lois
aboutissent à un allongement des délais. « Une fois que l’on a purgé le
droit de préférence des propriétaires riverains, le droit de préemption de la
collectivité se superpose, et on passe de deux mois pour le droit de préférence
à deux mois supplémentaires pour le droit de préemption, ce qui fait que la
vente ne peut être signée avant un délai de quatre mois », énumère
François Gouret.
Des délais qui peuvent agacer
les vendeurs qui pour certains sont pressés de se débarrasser d’un morceau de
terre qu’ils n’ont pas forcément voulu. « Cela contribue à l’impatience
des acquéreurs qui peuvent se plaindre de devoir attendre, mais nous devons
respecter le formalisme et les délais de notification de la commune ou des
riverains », explique le notaire.
Dans le cas du droit de
préférence, la mairie se retrouve à égalité avec les autres propriétaires, le
choix revenant au vendeur. Une décision complexe pour ce dernier, assure
François Gouret : « C’est très difficile car il peut y avoir de la
pression locale. Tout le monde se porte acquéreur et tout à coup, tout le monde
est le meilleur ami du vendeur, et le vendeur ne sait plus à qui faire plaisir. »
Alexis
Duvauchelle