DROIT

Droit de préférence, droit de préemption : le casse-tête de la vente des petites parcelles boisées décrypté par un notaire

Droit de préférence, droit de préemption : le casse-tête de la vente des petites parcelles boisées décrypté par un notaire
Publié le 06/03/2024 à 11:06

Intervenant sur le stand des notaires au Salon de l’agriculture, le notaire François Gouret a pu répondre aux questions que se posaient les propriétaires de terres. La vente des petites parcelles est soumise à plusieurs législations contraignantes pour le vendeur.

La vente des petites parcelles boisées, un sujet plein de questions pour leurs propriétaires. Le notaire François Gouret, exerçant dans le Maine-et-Loire, a proposé mercredi 28 février sur le stand des notaires au Salon de l’agriculture une série de questions-réponses à ce sujet, « qui ressort quotidiennement dans nos études rurales », explique François Gouret.

Les ventes de parcelles boisées de moins de 4 hectares sont très fréquentes, assure le notaire, qui constate « un morcellement des bois et forêts important en France ». Pour exemple, en août 2022, un incendie de forêt dans son département a ravagé 1 400 hectares de bois, « mais sur cette surface, il y avait plus de 1 000 propriétaires différents ». La plupart d’entre eux détenaient moins de 50 ares, et certains n’étaient même pas au courant qu’ils possédaient des terres à cet endroit. « Ce sont des parcelles qu’ils recueillent par succession, de leurs parents et grands-parents, et aujourd’hui les personnes se désintéressent de ces petits massifs », illustre le notaire.

Pour lutter contre le morcellement des terres et permettre une meilleure gestion des bois, la loi a institué il y a une dizaine d’années un droit de préférence de ces parcelles au profit des propriétaires voisins, qui oblige le vendeur à privilégier les offres d’achat des détenteurs de terrains autour de la parcelle vendue.

Le droit de préférence ne s’applique que pour les surfaces inférieures à 4 hectares. Si une parcelle est mixte, c’est-à-dire n’étant qu’en partie boisée, ce droit de préférence doit être invoqué si plus de 50 % de la parcelle est boisée.

Mais il existe des exceptions au droit de préférence. « Lorsqu’une vente est réalisée au profit d’un membre de la famille, le droit n’a pas à être notifié aux voisins », explique François Gouret. Lorsque la vente est réalisée au profit d’un propriétaire voisin de la parcelle vendue, les autres voisins n’ont pas non plus à être informés.

Un risque de nullité en cas de non-respect

Pour informer les voisins de la vente à venir, la principale méthode consiste à les notifier par une lettre recommandée les informant des conditions de la vente. « Mais il arrive parfois que nous ayons plus de dix parcelles autour, avec des multitudes d’indivisions », témoigne le notaire. Pour ne pas avoir à contacter séparément chacun des propriétaires, ce qui peut être fastidieux et coûteux, il est notamment possible de procéder à un affichage en mairie, accompagnée d’une publication dans un journal d’annonce légales. Les futurs acquéreurs ont deux mois pour se manifester. Passé ce délai, le propriétaire pourra vendre à toute personne qui souhaite acheter.

En cas de non-respect du droit de préférence, la nullité de l’acte peut alors être revendiquée par un candidat à l’achat.

Mais cette loi peut perturber les propriétaires. « Tous les jours, des propriétaires souhaitent vendre leur bois, trouvent un acquéreur, et ne comprennent pas quand on leur explique qu’ils ne peuvent pas choisir l’acquéreur, illustre François Gouret. Nous avons un rôle de pédagogie pour expliquer comment mettre en application cette loi. »

Des droits cumulés qui allongent les délais

Une loi d’autant plus complexe qu’il en existe d’autres s’additionnant à celle-ci, comme le droit de préemption, que peuvent utiliser les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ou les communes. « Il donne le droit pour l’État d’acquérir toute parcelle de bois avant les voisins à condition qu’une forêt domaniale jouxte la parcelle vendue », détaille le notaire du Maine-et-Loire. Une notification doit dans ce cas être adressée à la commune.

Pour les espaces naturels sensibles, qui le sont notamment en raison d’une faune ou d’une flore menacée, c’est le département qui peut préempter le terrain.

« Parfois, on a des droits de préférence et de préemption qui se superposent », pointe le notaire. La mairie, détenant automatiquement un droit de préemption, peut en effet également être déjà propriétaire d’une parcelle voisine lui donnant un droit de préférence. Dans ce cas, le professionnel du droit doit articuler ces règlementations.

Ces superpositions de lois aboutissent à un allongement des délais. « Une fois que l’on a purgé le droit de préférence des propriétaires riverains, le droit de préemption de la collectivité se superpose, et on passe de deux mois pour le droit de préférence à deux mois supplémentaires pour le droit de préemption, ce qui fait que la vente ne peut être signée avant un délai de quatre mois », énumère François Gouret.

Des délais qui peuvent agacer les vendeurs qui pour certains sont pressés de se débarrasser d’un morceau de terre qu’ils n’ont pas forcément voulu. « Cela contribue à l’impatience des acquéreurs qui peuvent se plaindre de devoir attendre, mais nous devons respecter le formalisme et les délais de notification de la commune ou des riverains », explique le notaire.

Dans le cas du droit de préférence, la mairie se retrouve à égalité avec les autres propriétaires, le choix revenant au vendeur. Une décision complexe pour ce dernier, assure François Gouret : « C’est très difficile car il peut y avoir de la pression locale. Tout le monde se porte acquéreur et tout à coup, tout le monde est le meilleur ami du vendeur, et le vendeur ne sait plus à qui faire plaisir. »

Alexis Duvauchelle

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