Lors d’un
webinaire organisé par Notaires Conseil d’Entreprise (NCE) à destination des
chefs d’entreprise, Céline Chwartz-Lair, notaire à Toulouse et vice-présidente
déléguée aux régions au sein du réseau NCE, nous propose un tour d’horizon de
l’incidence des divers régimes juridiques du couple, notamment pour les
entrepreneurs.
Les
types juridiques d’union se divisent en trois catégories : les concubins
en union libre, les
partenaires de pacs et les époux mariés.
Le régime légal : biens communs et
biens propres
Les
époux sont obligatoirement soumis à un régime matrimonial. Celui-ci contient
toutes les règles relatives à la propriété de leurs biens et à leur gestion. La
majorité des unions, entre 85 et 90 %,
obéissent au régime légal en vigueur depuis 1966, celui de la communauté de biens réduite aux acquêts. Il est
cependant possible de choisir un autre régime en signant, avant l’union, un
contrat de mariage devant un notaire pour ceux qui ne souhaitent pas être
soumis à ce régime par défaut. Pour les époux qui changent d’opinion ou dont la vie a évolué, le changement de régime matrimonial en cours d’union offre la
même possibilité ultérieurement. Le régime légal classique distingue deux
catégories de biens : d’un côté les
biens propres, et de l’autre les biens communs. Ces derniers, comme l’indique
leur nom, sont des acquêts. Attention, les acquêts n’englobent pas tout ce qui
rentre dans le patrimoine en cours de mariage. Il faut dissocier deux
origines : soit les biens arrivent dans le patrimoine à titre gratuit
(sans payer), il s’agit alors de biens propres que l’un des époux reçoit par
succession ou par donation. Ceux-là ne sont pas des acquêts. Ils n’intègrent
pas la communauté mais restent propres au bénéficiaire. De la même façon, reste
propre tout ce qui était possédé individuellement par les époux au jour du
mariage. Soit les biens sont achetés pendant le mariage moyennant un prix, et
deviennent alors communs. Les gains pécuniers sont également communs dans le
régime de communauté légale. Cela comprend tous les revenus tel le salaire, le
loyer, etc. La théorie des récompenses s’applique pour équilibrer les charges
grevant les revenus (bien commun) pour des biens propres. La récompense
ressemble à une indemnité due à l’un des patrimoines quand il a financé des
biens qui appartiennent à l’autre patrimoine. Par exemple, un des époux reçoit par
succession une maison de famille, c’est donc un bien propre. Grâce aux revenus
du couple, bien commun, des frais de rénovation y sont réglés. La communauté a
donc payé avec les moyens communs des travaux afférents à un bien propriété
d’un seul de ses membres. Une récompense est due par l’époux
propriétaire de cette maison de famille à la communauté.
Avec la communauté universelle, tout
devient commun
S’agissant des autres régimes, la communauté universelle
n’est pas très fréquente en contrat de mariage initial. C’est plutôt un régime
choisi par les couples qui se marient tardivement. Il sert aussi pour des
couples déjà constitués par le biais d’un changement de régime. Les autres
voies sont la participation aux acquêts ou la séparation de biens.
La communauté universelle est une communauté élargie par
rapport à celle du régime légal. Elle peut aller jusqu’à tout inclure. Dans ce
cas, le patrimoine propre disparaît
et tout devient commun. Beaucoup de couples conçoivent la communauté
universelle assortie de son attribution intégrale au survivant. Alors, pendant
l’union, la communauté comprend la totalité du patrimoine sans bien propre, et
au premier décès, le survivant s’en retrouve plein propriétaire. Ce modèle protège
donc le survivant qui conserve la maîtrise de tout. En revanche, fiscalement,
au second décès, les taxes seront plus conséquentes pour les enfants. Au lieu
d’hériter en deux fois, ils hériteront en
une seule fois. Des donations permettent néanmoins d’anticiper les droits à régler. La clause d’attribution intégrale au survivant,
quoique fréquente, n’est toutefois pas obligatoire. La communauté universelle
sans attribution intégrale au profit du survivant fonctionne parfaitement, et
il existe nombre de clauses d’attribution intermédiaires. Les époux peuvent
prévoir « moitié-moitié », ce qui signifie moitié en pleine propriété et moitié en usufruit,
sinon, ils peuvent opter pour un préciput. Le préciput consiste à piocher dans
la communauté. Dans cette configuration, le conjoint survivant ne va pas tout
recevoir mais, par exemple, juste la résidence principale. Pour un chef
d’entreprise, si la société a été crééeou achetée en cours de
mariage, elle est commune. Un préciput sur une entreprise, un
fonds de commerce ou des parts de sociétés permet au conjoint qui y travaille
de garder le contrôle suite au décès de l’autre. C’est aussi le moyen de
distribuer des éléments du patrimoine aux enfants et de leur éviter les effets
fiscaux très négatifs de l’héritage total d’un coup. Les couples qui penchent
pour un régime plus large que la communauté réduite aux acquêts doivent prendre
garde si leurs enfants ne sont pas communs. Dans cette situation, à la
dissolution, notamment à la succession, une correction va s’opérer pour ne pas
léser des enfants. En effet, imaginez une famille recomposée avec des enfants
de chaque côté. Alors, dans le cadre d’une attribution intégrale, les enfants
de celui des époux qui meurt en premier ne reçoivent rien. Mécaniquement, au
premier décès le conjoint survivant capte tout.
Au second décès, ses héritiers disposent de l’ensemble
du patrimoine du couple. C’est pourquoi, en présence d’enfants non communs,
s’applique l’action en retranchement. Elle revient sur ce que les parents ont
décidé pour qu’aucun des enfants ne soit désavantagé.
La participation aux acquêts :
le partage de l’enrichissement
Il existe un autre régime, peu utilisé en France :
la participation aux acquêts. C’est le régime légal en Allemagne et en Suisse.
Pendant le mariage, les biens sont séparés. Chaque époux fait ce qu’il veut des
siens. Puis, au moment d’un partage, le principe consiste à estimer de combien
chaque membre du couple s’est enrichi pendant l’union et à rééquilibrer afin de partager
l’enrichissement en deux parts égales. Si un époux s’est enrichi de 30 pendant
le mariage, autrement dit si la différence vaut 30 entre ce qu’il a à la fin
(son patrimoine final) et ce qu’il avait au jour du mariage (son patrimoine
originaire) additionné de ce qu’il a reçu en propre pendant, et si l’autre époux s’est
enrichi de 10, la créance
de participation établit la
moyenne entre eux. Le premier époux donne 10?à l’autre
pour qu’ils soient tous les deux à 20. Schématiquement, la participation aux
acquêts ressemble à une séparation de biens en cours d’union, mais elle permet également de
partager l’enrichissement, notamment pour un époux qui ne travaille pas.
Auparavant, il était fréquent dans les participations aux acquêts d’exclure
certains biens comme l’outil de travail. Or, depuis l’année dernière, la
jurisprudence a remis en cause les contrats de mariage qui contiennent une
exclusion de biens professionnels. Les couples concernés par ce régime et par
cette clause ont tout intérêt à consulter leur notaire pour revoir leur
contrat.
La séparation des biens : plus
d’indépendance pour les époux
La séparation de biens est adoptée très majoritairement par les époux qui signent un
contrat de mariage. Elle est caractérisée par une grande indépendance. Chacun
gère son patrimoine, un peu comme dans une union libre ou un pacs. L’époux ne peut engager que
ses biens. C’est donc un régime protecteur puisque les créanciers n’ont le droit de saisir que le patrimoine de celui qui
est leur débiteur. La séparation de biens n’interdit pas de mener des projets à
deux. Les époux peuvent acheter en indivision dans les proportions de leur
financement. Le contrat de mariage initial laisse l’opportunité d’introduire un
soupçon de communauté sous forme de société d’acquêts. Dans ce cas, certains
biens sont communs – la résidence principale ou autres – contrairement à ce que
laisse penser le nom de ce régime.
Quels régimes pour les partenaires ?
Les partenaires de pacs ont le choix
entre deux régimes :
la séparation des patrimoines et l’indivision. La séparation des patrimoines
est l’équivalent de la séparation
de biens, mais appliquée au pacs. C’est le régime par défaut.
Quant au régime
de l’indivision, il ne peut pas être exclu
ponctuellement pour un achat. Il ne suppose pas de créances contre un
partenaire qui n’aurait rien financé. Par exemple, lorsqu’un couple sous le
régime de l’indivision acquiert un fonds de commerce, il est
détenu moitié-moitié.
Si un seul des partenaires a emprunté et payé l’intégralité du prix, il ne
pourra pas prétendre que le bien est à lui pour cette raison. Cette
caractéristique doit être bien comprise pour éviter tout souci futur dans
l’hypothèse d’une séparation. Signalons qu’à la mairie, le régime adopté par
les gens qui se pacsent est enregistré sur un formulaire juste en cochant une
croix. Les personnes concernées ont donc intérêt à bien se renseigner avant d’inscrire leur
décision, la simplicité de la forme pouvant laisser croire qu’il n’y a pas
d’enjeu. Les couples pacsés qui souhaitent vérifier leur régime détiennent
normalement une copie du document enregistré. Par défaut, les pacsés n’héritent pas l’un de l’autre. Le
survivant n’a qu’un droit d’usage d’habitation sur le logement familial pendant
une année. Par ailleurs, en l’état actuel de la législation, il ne paie pas de
droits de succession. Bien sûr, il est possible d’hériter l’un de l’autre. Pour
cela, il suffit de rédiger un testament.
Dernier point, les membres d’un couple en union libre,
désignés sous le terme de concubins, ne sont pas connectés légalement. Ils
peuvent acheter ensemble, mais sans lien juridique. La loi ne les protège
pas en cas de décès. Si le survivant hérite dans le cadre d’un testament, les
droits de succession s’élèvent à 60 %.
Anticiper son régime
Si vous ne faites pas de contrat de mariage, la
communauté réduite aux acquêts s’applique. Quand vous possédez une entreprise,
soit vous en étiez déjà propriétaire au jour du mariage ou l’avez reçue par
succession – donation auquel cas elle est propre, soit vous l’avez créée ou achetée en cours
de mariage, ce qui la rend alors commune. Ceci est vrai pour une société, un
fonds de commerce, etc. Ce bien commun, en cas de séparation, est partagé en
deux. Si l’un des deux époux y travaille, l’exploite, il doit racheter la part
de l’autre. Ce contexte peut être périlleux pour la pérennité d’une entreprise.
Pour les personnes décidées à faire un contrat de
mariage, il vaut mieux s’en occuper avant de se marier. D’une part la procédure
est plus simple que le changement de régime en cours d’union, d’autre part elle
est beaucoup moins onéreuse. Avant le mariage, il vous en coûtera un forfait
fixe d’environ 350 euros. En revanche, pour les personnes déjà mariées, le
passage du régime communautaire à un régime de séparation de biens demande de
scinder la communauté. C’est une démarche plus chère assortie de la taxe de
droit de partage.
La procédure prend du temps car elle exige déjà trois
mois de délai d’opposition des enfants majeurs et des créanciers. Elle est plus
lourde qu’un contrat de mariage signé avant le mariage. Son
prix dépend de vos possessions puisqu’il est proportionnel à l’actif à diviser.
Quid en cas de succession ?
Contrairement à une idée reçue, la séparation de biens
n’exclut pas que le survivant hérite au décès de son conjoint. En vérité, les
droits du survivant ne dépendent pas du régime matrimonial, en revanche ils se
conforment aux dispositions particulières prises antérieurement, c’est-à-dire le
testament ou la donation entre époux, souvent appelée la donation au dernier
vivant. Si aucun de ces actes n’existe, la loi s’applique. Il faut alors
considérer si les enfants sont communs ou non. Les droits du survivant
varieront en fonction de la structure familiale. Au niveau fiscal, les droits
de succession pour les conjoints ont été supprimés depuis 2007. Une personne
qui hérite de son conjoint est donc exonérée de droits de succession.
C2M