Saisie
par sept régions et Île-de-France Mobilités, la plus grande juridiction de
France a rendu un jugement selon lequel la SNCF n'a pas suivi la procédure
prévue pour établir les redevances dues par les régions pour l'utilisation des
trains express régionaux (TER).
Mardi
5 mars, le Conseil d'État a rendu un jugement en faveur de sept régions et
Île-de-France Mobilités qui avaient porté plainte contre SNCF Réseau pour
contester les tarifs de ses péages ferroviaires, a annoncé la plus haute
juridiction administrative française. Dans son communiqué, le Conseil d'État a
déclaré « que la société SNCF Réseau n’a pas respecté la procédure
prévue pour la détermination des redevances dues par les régions pour faire
circuler les trains express régionaux (TER)».
Les
régions plaignantes, qui comprenaient l’Auvergne-Rhône-Alpes, la
Bourgogne-Franche-Comté, le Centre-Val de Loire, les Hauts-de-France,
l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine, le Grand Est, ainsi que l’organisme
Île-de-France Mobilités, contestaient les augmentations exigées par la SNCF
pour les années 2024, 2025 et 2026 afin de financer la circulation des trains
express régionaux (TER). Le Conseil d’État a donc tranché en leur faveur en
annulant la tarification du document de référence du réseau ferré national pour
2024 et a demandé à la SNCF de proposer une nouvelle tarification d’ici le 1er
octobre 2024.
« SNCF Réseau n’a pas respecté l’exigence de transparence »
Une
décision motivée par plusieurs manquements, selon le Conseil d’État qui a
constaté que « SNCF Réseau n’a pas respecté l’exigence de transparence
qui s’impose lors de la détermination de la tarification de l’usage du réseau ».
Il a aussi indiqué que lors de la consultation obligatoire sur le projet de
document de référence, qui s'est déroulée du 8 octobre au 8 décembre 2022, les
informations fournies par SNCF Réseau ne précisaient pas assez les détails
concernant l'estimation des coûts complets de l'infrastructure ferroviaire
ainsi que leur évolution (y compris les coûts pour chaque autorité
organisatrice, les modalités de fixation des redevances, etc.).
Le
Conseil d’État affirme que pour permettre d’exprimer un avis éclairé « les
autorités organisatrices de transport, les utilisateurs du réseau et les
participants à cette consultation devaient être suffisamment informés ».
Un manque de transparence qui inquiète également Guillaume Hannotin, l’avocat
des régions, comme le rapporte le journal Libération : « tant qu’il
n’y a pas de transparence sur la méthode de fixation des prix, il est très
difficile pour les parties prenantes de vérifier le caractère soutenable du
prix ».
La
SNCF ne prend pas en compte l’avis de régions
Dans
un second temps, selon le Conseil d’État, la SNCF a négligé les remarques des
autorités organisatrices de transport, les privant ainsi d'une garantie légale.
En effet, entre les 7 et 8 décembre 2022, les sept régions ainsi
qu'Île-de-France Mobilités ont émis des avis défavorables, assortis
d'observations importantes concernant les redevances, les augmentations
envisagées et le manque de transparence.
Cependant,
malgré cela, la SNCF a procédé à l'adoption du document de référence du réseau
lors de la séance de son conseil d’administration du 9 décembre 2022 et l'a
rendu public le même jour. Selon le Conseil d'État, cette démarche n'a pas
permis à SNCF Réseau de prendre pleinement en compte toutes les observations
des autorités organisatrices de transport. Une irrégularité qui a privé ces
autorités de la garantie que leurs avis sur les dispositions tarifaires du
document de référence du réseau seraient dûment pris en considération.
« Une décision qui
sanctionne la politique opaque menée par la SNCF »
La SNCF a réagi à la décision du Conseil d'État en
indiquant à l’AFP qu'elle en prenait acte, tout en affirmant que la
tarification « n'est pas remise en cause sur le fond ». Elle
souligne que la décision du Conseil d'État est motivée par la procédure
d'adoption de la tarification, mais qu’il a rejeté tous les autres moyens qui
contestaient ses principes, y compris la proposition de mettre en place un
forfait pour les régions.
Pour ces dernières, cette
décision représente déjà une petite victoire en perspective. Pour
l’Auvergne-Rhône-Alpes, dans une déclaration également transmise à l'AFP,
cette décision « sanctionne la politique opaque menée sur les péages par la
SNCF qui, finalement, pénalise des millions d'usagers ». De son côté,
Thibaud Phillips, vice-président de la région Grand Est chargé des Transports,
précise que pour le futur « on ne pourra pas, avec les ressources dont on
dispose aujourd'hui, continuer à développer fortement l'offre [ferroviaire] et
à payer des péages de plus en plus chers ». Il ne reste plus qu’à attendre
le 1er octobre 2024 pour connaître l'issue finale de cette affaire.
Romain Tardino