DROIT

Le Conseil d’État rappelle que les collectivités territoriales peuvent accorder sous conditions une subvention à une action humanitaire internationale

Le Conseil d’État rappelle que les collectivités territoriales peuvent accorder sous conditions une subvention à une action humanitaire internationale
Publié le 14/05/2024 à 18:14

Saisi s’agissant de l’octroi de trois subventions à l’association SOS Méditerranée, le Conseil d’État a notamment souligné, dans plusieurs arrêts rendus le 13 mai, que les collectivités territoriales doivent toujours s’assurer que leurs subventions financent bien des activités humanitaires, via des conventions qui doivent être suffisamment précises sur ce point.

Des aides, oui… mais pas sans garde-fous. C’est, en substance, ce qu’a jugé le Conseil d’État, dans une série de trois arrêts rendus le 13 mai. La haute juridiction administrative s’est « contentée » de rappeler la loi applicable : les collectivités territoriales peuvent accorder sous conditions une subvention à une action humanitaire internationale.

A l’origine de ces décisions, trois requêtes distinctes qui ont fait du chemin avant d’arriver devant le Conseil d’État. Antoine Oziol de Pignol, Johan Salacroup (anciens membres du mouvement d’extrême-droite Génération identitaire, dissout en mars 2021) et Franck Manogil (conseiller départemental RN à l’époque de la saisine) avaient saisi la justice administrative pour contester, respectivement, des subventions accordées par la Ville de Paris, la Ville de Montpellier et le département de l’Hérault, destinées à l’association SOS Méditerranée. Ils réclamaient, en leur qualité de contribuables pour les deux premiers, et de conseiller départemental pour le troisième, que soit enjoint aux associations de restituer ces sommes au département et aux communes concernées.

Pas d’ « intérêt public local » nécessaire

Côté requérants, on estimait - notamment – que la subvention visée n’était « justifiée par aucun intérêt public local » ou encore qu’elle ne se rattachait « à aucun domaine d'intervention du département », apprend-on à la lecture des décisions des cours administratives d’appel de Toulouse et de Paris. Mais dans ses arrêts rendus le 13 mai, le Conseil d’État est clair : la loi permet bien aux collectivités territoriales de soutenir toute action internationale à caractère humanitaire, sans « condition que cette action réponde à un intérêt public local (…) ni qu’elle implique une autorité locale étrangère ».

Et alors que Johan Salacroup et Franck Manogil reprochaient à l'activité de l'association SOS Méditerranée France de ne « pas [constituer] une action internationale dès lors qu'elle ne bénéficie pas à une population étrangère locale identifiée », le Conseil d’État répond que l’activité de sauvetage en mer de SOS Méditerranée est bien une action internationale à caractère humanitaire, car menée « en conformité avec les principes du droit maritime international », lesquels prévoient l’obligation de secourir les personnes se trouvant en détresse en mer quels que soient leur nationalité et leur statut.

Sur la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir toute action internationale à caractère humanitaire, la juridiction apporte toutefois une nuance : la loi prévoit également un certain nombre de garanties. A savoir que l’action humanitaire qui fait l’objet d’une aide financière doit respecter les engagements internationaux de la France, ne pas interférer avec la conduite par l’État des relations internationales de la France, ni conduire une collectivité territoriale à prendre parti dans un conflit de nature politique.

Les associations aidées peuvent prendre position politiquement

Le Conseil d’État procède à un autre rappel important : la prise de position d’une organisation dans le débat public « ne fait pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale lui accorde un soutien » pour une action internationale à caractère humanitaire.

Il juge ainsi que le fait que les responsables de SOS Méditerranée se soient exprimés sur la politique de l’Union européenne et de certains États en matière de sauvetage en mer des migrants ne suffit pas à interdire aux collectivités territoriales d’apporter un soutien à son activité opérationnelle de sauvetage en mer, répondant ici à deux requérants qui pointaient « l'action politique et des conflits internationaux suscités » par l'association.

Toutefois, là encore, la juridiction indique l’existence de deux conditions : que l’action humanitaire ne constitue pas en réalité une action à caractère politique, et que la collectivité territoriale s’assure que son aide sera « exclusivement destinée » au financement de cette action.

La subvention de Montpellier annulée car insuffisamment ciblée

Et c’est là que le bât blesse pour la subvention accordée par la Ville de Montpellier. Car si le Conseil d’État considère que les subventions de la Ville de Paris et du département de l’Hérault à SOS Méditerranée sont conformes à la loi, il annule la subvention accordée par la commune montpelliéraine, qu’il juge insuffisamment ciblée.

L’arrêt le souligne en effet : aucun élément ne permet d’établir que la commune s’est assurée que son aide serait exclusivement destinée au financement de l’action internationale humanitaire qu’elle entendait soutenir.

La délibération « ne précise pas la destination de la subvention de 15 000 euros qu’elle accorde à l’association », et « [l’article 1] se borne à stipuler que la subvention a été sollicitée pour le fonctionnement de l’association », analyse le Conseil d'État. De quoi annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Toulouse du 28 mars 2023 ainsi que le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2021, qui rejetaient la requête de Johan Salacroup.

Les collectivités sont donc averties : l’imprécision dans les conventions qu’elles concluent avec les associations humanitaires peut avoir raison de leurs subventions. Un problème évité entre autres par la Ville de Paris, dont la subvention de 100 000 euros accordée à un programme de sauvetage en mer et de soins aux migrants dans le cadre de l’aide d’urgence, « exclusivement destinée à financer l’affrètement d’un nouveau navire en vue de permettre à l’association de reprendre ses activités de secours en mer », est validée par le Conseil d’État.

Bérengère Margaritelli

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