Accréditation des magistrats, lutte contre la fraude, recrutement d’interprètes,… La circulaire relative
au dispositif judiciaire prévu pour les JOP, publiée mercredi 17 janvier,
détaille les instructions données aux procureurs pour le bon fonctionnement des
juridictions durant cette période qui pourrait être chargée.
Le ministère de la Justice a
levé le voile lundi 15 janvier sur sa circulaire relative au dispositif
judiciaire qui sera mis en place à l’occasion des Jeux olympiques et
paralympiques de Paris 2024, entre le 26 juillet et le 11 août, et entre le 28
août et le 4 septembre 2024.
Cette circulaire, publiée au Journal
officiel mercredi 17 janvier, concerne principalement les cours
d’appel de Paris et de Versailles, mais également celles d’Aix-en-Provence,
Bordeaux, Bourges, Douai, Lyon, Papeete et Rennes, qui accueilleront sur leurs
ressorts des sites de compétition. « À cet égard, ces juridictions ont
bénéficié de la plus grande attention du ministère de la Justice pour que les
effectifs mobilisables soient à la hauteur des enjeux attendus », assure
Éric Dupond-Moretti dans cette circulaire.
Les demandes d’accréditation
à anticiper
Les Jeux font l’objet d’une
règlementation « grand événement » afin de pouvoir limiter l’accès à
certains lieux, comme des enceintes sportives, aux seuls détenteurs d’un avis
favorable de la part du service national des enquêtes administratives de
sécurité, après enquête administrative de sécurité et consultation des fichiers
de police judiciaire. « Les parquets devront ainsi être en mesure de
traiter de manière fluide et réactive les demandes qui seront transmises dans
ce cadre, y compris en urgence, le cas échéant en recourant à des autorisations
permanentes », est-il indiqué dans la circulaire. Des demandes de
dernière minute concernant des réparateurs ou des techniciens pourront
notamment être formulées « pour permettre l’intervention rapide »
dans les lieux concernés.
Il est par ailleurs demandé à
ce que les magistrats du parquet amenés à intervenir sur les sites olympiques
et paralympiques soient accrédités le plus tôt possible, « afin
d’éviter toute difficulté préjudiciable à la présence effective de l’autorité
judiciaire sur ces lieux ». Néanmoins, en cas d’urgence, magistrats,
greffiers et forces de sécurité intérieure pourront intervenir dans les lieux
protégés sans accréditation durant la durée de l’intervention.
Les procureurs de la
République sont par ailleurs invités à se rapprocher de l’autorité
préfectorale, notamment pour « identifier les épreuves sportives ainsi
que les sites sportifs ou festifs à risques et échanger sur les dispositifs de
sécurité envisagés pour chacun d’eux ».
Les juridictions devront
fonctionner normalement
Dans sa circulaire, Éric
Dupond-Moretti demande également à ce que l’organisation des juridictions
« permette une présence suffisante de magistrats et fonctionnaires pour
faire face à l’activité juridictionnelle susceptible d’en résulter en période
de vacations judiciaires ». La présence d’un magistrat du parquet sur
site lors des principales épreuves à risques est jugée « nécessaire ».
L’éventualité de la gestion d’une situation de crise est évoquée, activant des
permanences dédiées et affectant par conséquent des effectifs supplémentaires.
Les référents sports présents dans les juridictions risquent également d’être
sursollicités durant cette période, prévient le ministre.
Afin d’éviter une surcharge des
juridictions des cours d’appel de Paris et Versailles, « le critère de
compétence territoriale du domicile du mis en cause devra opportunément être
privilégié en matière contraventionnelle », est-il indiqué. Cela sera
également le cas lorsque des alternatives aux poursuites ou des poursuites
simplifiées sans défèrement seront envisagées.
Gérer les auteurs et victimes
étrangers
Éric Dupond-Moretti appelle
également à « la mise en œuvre d’une politique pénale adaptée »,
notamment en raison du profil potentiel des auteurs et des victimes
d’infractions, qui pourraient pour beaucoup être étrangers en raison de la
portée de l’événement. La circulaire demande notamment à ce que les cours
d’appels veillent « à [s’]approprier l’ensemble des outils pertinents
en matière d’entraide pénale internationale, à tenir compte des règles
applicables en matière d’immunités diplomatiques et à mettre en œuvre les
modalités d’échanges d’informations avec les autorités judiciaires étrangères
quant aux décisions de justice et aux casiers judiciaires ».
Les besoins en interprètes
devront être anticipés pour assurer leur présence tout au long de la procédure,
qu’elle concerne des mis en cause ou des victimes. Pour ces dernières, la prise
en charge par une association d’aide aux victimes est demandée tout au long de
la procédure.
Les forces de sécurité et les
unités médico-judiciaires devront par ailleurs être mobilisées en amont, en
raison de la présence des victimes étrangères sur le sol français « susceptible
d’être réduite aux seules épreuves sportives auxquelles elles participeront ou
assisteront ». Pour les faits les plus graves, les consulats concernés
devront être informés de la situation de leurs ressortissants.
Les dispositifs
antiterroristes prêts à être activés
Le risque terroriste fait
également partie des préoccupations de la Chancellerie, qui demande une mise en
œuvre parfaite de la coopération entre les parquets territorialement compétents
et le parquet national antiterroriste. Pour faire face à une potentielle
attaque, il est demandé aux cours d’identifier les capacités de prise en charge
des services locaux de médecine légale. « Vous vous assurerez plus
généralement dans chaque ressort de la parfaite effectivité des dispositifs de
gestion de crise susceptibles d’être activés », précise la circulaire.
Le risque de cyberattaques « à
des fins de déstabilisation institutionnelle » est aussi évoqué, via
par exemple des attaques par déni de service. Pour ces attaques, la section
cybercriminalité du parquet de Paris est compétente sur tout le territoire
national. Dans le cas très spécifique d’une attaque « visant à causer
un trouble grave à l’ordre public par le recours à des méthodes confinant à
l’intimidation et la terreur », le parquet national antiterroriste
pourra être saisi.
Sur la réponse pénale,
celle-ci devra « prévoir des réponses rapides, fortes et systématiques
à l’ensemble des infractions pénales ayant pour objet ou pour effet de troubler
le bon déroulement des Jeux ». La circulaire appuie particulièrement
sur les interdictions de paraître ou les interdictions de stades. Les
infractions commises au sein ou aux abords des enceintes sportives à raison de
l’orientation sexuelle, d’une religion ou de toute autre cause de
discrimination, l’utilisation de drones à des fins détournées, le survol d’une
zone interdite et les fausses alertes à la bombe « devront également
faire l’objet d’une attention toute particulière ».
Les infractions pouvant « ternir
l’image de notre pays sur la scène mondiale » doivent avoir « les
réponses pénales les plus fermes », demande Éric Dupond-Moretti.
Les infractions économiques
aussi dans le viseur
En dehors des diverses
accréditations accessibles pour certaines professions, l’accès aux enceintes
sportives est limité aux seuls détenteurs de billets vendus par le comité
d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, ce qui limite le risque de
fraudes. La circulaire rappelle la création, dans la loi du 19 mai 2023
relative aux JOP 2024, d’une infraction spécifique au C*ode du
sport pour l’accès par fraude, en récidive ou en réunion, dans une enceinte
lors du déroulement en public d’une manifestation sportive. La circulaire
appelle en ce sens aux procureurs à faire preuve « d’une vigilance
particulière ».
La Chancellerie souhaite
également lutter contre les fraudes à l’hébergement durant la période des Jeux.
Elle conseille à ce titre de « favoriser autant que possible les
recoupements de procédures, grâce aux échanges d’informations avec les
directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités
(DREETS), ou via la plateforme THESEE de la DGPN ».
Les risques de contrefaçon des
marques et symboles des JO sont également longuement évoqués dans la
circulaire. Il est notamment demandé, pour des faits qualifiés comme relevant
du « bas du spectre », que seule une réponse douanière ou une
alternative aux poursuites soit donnée. Par exemple, pour une vente à la
sauvette, c’est l’amende forfaitaire délictuelle qui pourra être utilisée.
« En revanche, une action pénale plus approfondie portera
prioritairement sur les contrefaçons révélant l’implication d’un groupe
criminel organisé ou l’existence d’un danger pour la santé publique »,
est-il expliqué.
Alexis
Duvauchelle