JUSTICE

Le dispositif judiciaire pour les Jeux olympiques de Paris 2024 dévoilé

Le dispositif judiciaire pour les Jeux olympiques de Paris 2024 dévoilé
Publié le 22/01/2024 à 11:50

Accréditation des magistrats, lutte contre la fraude, recrutement d’interprètes,… La circulaire relative au dispositif judiciaire prévu pour les JOP, publiée mercredi 17 janvier, détaille les instructions données aux procureurs pour le bon fonctionnement des juridictions durant cette période qui pourrait être chargée.

Le ministère de la Justice a levé le voile lundi 15 janvier sur sa circulaire relative au dispositif judiciaire qui sera mis en place à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, entre le 26 juillet et le 11 août, et entre le 28 août et le 4 septembre 2024.

Cette circulaire, publiée au Journal officiel mercredi 17 janvier, concerne principalement les cours d’appel de Paris et de Versailles, mais également celles d’Aix-en-Provence, Bordeaux, Bourges, Douai, Lyon, Papeete et Rennes, qui accueilleront sur leurs ressorts des sites de compétition. « À cet égard, ces juridictions ont bénéficié de la plus grande attention du ministère de la Justice pour que les effectifs mobilisables soient à la hauteur des enjeux attendus », assure Éric Dupond-Moretti dans cette circulaire.

Les demandes d’accréditation à anticiper

Les Jeux font l’objet d’une règlementation « grand événement » afin de pouvoir limiter l’accès à certains lieux, comme des enceintes sportives, aux seuls détenteurs d’un avis favorable de la part du service national des enquêtes administratives de sécurité, après enquête administrative de sécurité et consultation des fichiers de police judiciaire. « Les parquets devront ainsi être en mesure de traiter de manière fluide et réactive les demandes qui seront transmises dans ce cadre, y compris en urgence, le cas échéant en recourant à des autorisations permanentes », est-il indiqué dans la circulaire. Des demandes de dernière minute concernant des réparateurs ou des techniciens pourront notamment être formulées « pour permettre l’intervention rapide » dans les lieux concernés.

Il est par ailleurs demandé à ce que les magistrats du parquet amenés à intervenir sur les sites olympiques et paralympiques soient accrédités le plus tôt possible, « afin d’éviter toute difficulté préjudiciable à la présence effective de l’autorité judiciaire sur ces lieux ». Néanmoins, en cas d’urgence, magistrats, greffiers et forces de sécurité intérieure pourront intervenir dans les lieux protégés sans accréditation durant la durée de l’intervention.

Les procureurs de la République sont par ailleurs invités à se rapprocher de l’autorité préfectorale, notamment pour « identifier les épreuves sportives ainsi que les sites sportifs ou festifs à risques et échanger sur les dispositifs de sécurité envisagés pour chacun d’eux ».

Les juridictions devront fonctionner normalement

Dans sa circulaire, Éric Dupond-Moretti demande également à ce que l’organisation des juridictions « permette une présence suffisante de magistrats et fonctionnaires pour faire face à l’activité juridictionnelle susceptible d’en résulter en période de vacations judiciaires ». La présence d’un magistrat du parquet sur site lors des principales épreuves à risques est jugée « nécessaire ». L’éventualité de la gestion d’une situation de crise est évoquée, activant des permanences dédiées et affectant par conséquent des effectifs supplémentaires. Les référents sports présents dans les juridictions risquent également d’être sursollicités durant cette période, prévient le ministre.

Afin d’éviter une surcharge des juridictions des cours d’appel de Paris et Versailles, « le critère de compétence territoriale du domicile du mis en cause devra opportunément être privilégié en matière contraventionnelle », est-il indiqué. Cela sera également le cas lorsque des alternatives aux poursuites ou des poursuites simplifiées sans défèrement seront envisagées.

Gérer les auteurs et victimes étrangers

Éric Dupond-Moretti appelle également à « la mise en œuvre d’une politique pénale adaptée », notamment en raison du profil potentiel des auteurs et des victimes d’infractions, qui pourraient pour beaucoup être étrangers en raison de la portée de l’événement. La circulaire demande notamment à ce que les cours d’appels veillent « à [s’]approprier l’ensemble des outils pertinents en matière d’entraide pénale internationale, à tenir compte des règles applicables en matière d’immunités diplomatiques et à mettre en œuvre les modalités d’échanges d’informations avec les autorités judiciaires étrangères quant aux décisions de justice et aux casiers judiciaires ».

Les besoins en interprètes devront être anticipés pour assurer leur présence tout au long de la procédure, qu’elle concerne des mis en cause ou des victimes. Pour ces dernières, la prise en charge par une association d’aide aux victimes est demandée tout au long de la procédure.

Les forces de sécurité et les unités médico-judiciaires devront par ailleurs être mobilisées en amont, en raison de la présence des victimes étrangères sur le sol français « susceptible d’être réduite aux seules épreuves sportives auxquelles elles participeront ou assisteront ». Pour les faits les plus graves, les consulats concernés devront être informés de la situation de leurs ressortissants.

Les dispositifs antiterroristes prêts à être activés

Le risque terroriste fait également partie des préoccupations de la Chancellerie, qui demande une mise en œuvre parfaite de la coopération entre les parquets territorialement compétents et le parquet national antiterroriste. Pour faire face à une potentielle attaque, il est demandé aux cours d’identifier les capacités de prise en charge des services locaux de médecine légale. « Vous vous assurerez plus généralement dans chaque ressort de la parfaite effectivité des dispositifs de gestion de crise susceptibles d’être activés », précise la circulaire.

Le risque de cyberattaques « à des fins de déstabilisation institutionnelle » est aussi évoqué, via par exemple des attaques par déni de service. Pour ces attaques, la section cybercriminalité du parquet de Paris est compétente sur tout le territoire national. Dans le cas très spécifique d’une attaque « visant à causer un trouble grave à l’ordre public par le recours à des méthodes confinant à l’intimidation et la terreur », le parquet national antiterroriste pourra être saisi.

Sur la réponse pénale, celle-ci devra « prévoir des réponses rapides, fortes et systématiques à l’ensemble des infractions pénales ayant pour objet ou pour effet de troubler le bon déroulement des Jeux ». La circulaire appuie particulièrement sur les interdictions de paraître ou les interdictions de stades. Les infractions commises au sein ou aux abords des enceintes sportives à raison de l’orientation sexuelle, d’une religion ou de toute autre cause de discrimination, l’utilisation de drones à des fins détournées, le survol d’une zone interdite et les fausses alertes à la bombe « devront également faire l’objet d’une attention toute particulière ».

Les infractions pouvant « ternir l’image de notre pays sur la scène mondiale » doivent avoir « les réponses pénales les plus fermes », demande Éric Dupond-Moretti.

Les infractions économiques aussi dans le viseur

En dehors des diverses accréditations accessibles pour certaines professions, l’accès aux enceintes sportives est limité aux seuls détenteurs de billets vendus par le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, ce qui limite le risque de fraudes. La circulaire rappelle la création, dans la loi du 19 mai 2023 relative aux JOP 2024, d’une infraction spécifique au C*ode du sport pour l’accès par fraude, en récidive ou en réunion, dans une enceinte lors du déroulement en public d’une manifestation sportive. La circulaire appelle en ce sens aux procureurs à faire preuve « d’une vigilance particulière ».

La Chancellerie souhaite également lutter contre les fraudes à l’hébergement durant la période des Jeux. Elle conseille à ce titre de « favoriser autant que possible les recoupements de procédures, grâce aux échanges d’informations avec les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), ou via la plateforme THESEE de la DGPN ».

Les risques de contrefaçon des marques et symboles des JO sont également longuement évoqués dans la circulaire. Il est notamment demandé, pour des faits qualifiés comme relevant du « bas du spectre », que seule une réponse douanière ou une alternative aux poursuites soit donnée. Par exemple, pour une vente à la sauvette, c’est l’amende forfaitaire délictuelle qui pourra être utilisée. « En revanche, une action pénale plus approfondie portera prioritairement sur les contrefaçons révélant l’implication d’un groupe criminel organisé ou l’existence d’un danger pour la santé publique », est-il expliqué.

Alexis Duvauchelle

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